mardi 5 janvier 2016

Le syndrome de Forcalquier

LE SYNDROME DE FORCALQUIER

La corde qui relie le peuple à sa représentation s'effiloche de plus en plus...

Les dernières élections ont accentué un malaise à plusieurs étages.

Le principe électoral d'abord qui ne fait jamais état de tous ces français qui rejettent en bloc un système dépassé et qui ne s'inscrivent pas sur les listes électorales ou ne se ré-inscrivent plus lorsqu'ils doivent le faire. Pas plus d'ailleurs qu'il n'est fait mention de tous ceux qui, civiques jusqu'au bout et rejetant une offre qui ne leur correspond plus, glissent dans l'enveloppe un bulletin blanc ou nul.

Un français sur deux, parmi les inscrits, qui se rend aux urnes ne semple plus poser de problème à la représentation élue. Il suffit de voir comment elle s'enthousiasme lorsqu'il y a un petit sursaut , comme lors du deuxième tour des régionales, alors qu'on pourrait se demander quelle proportion de ces voix supplémentaires est allée vers les suffrages non exprimés.

L'inversion des principes démocratiques aussi pose question. Alors qu'à l'évidence les élus ont à rendre compte au corps électoral de leurs engagements et de leur action, nous assistons de plus en plus à des jugements par le haut de notre attitude. Soit nous ne votons pas assez, soit nous ne votons pas assez bien! Il n'est pas loin le temps où, sentant le décrochage de plus en plus fort, et ne se remettant jamais en cause, la représentation nationale nous imposera le vote obligatoire...
La culpabilisation du citoyen atteint des records...

L'expression médiatique atteint des sommets dans l'aliénation le soir des résultats et le tour de force est que les questions essentielles ne sont jamais abordées. On pourrait aussi s'interroger sur le peu de temps consacré aux résultats de deux régions qui ont exprimé un vote à contre-sens et qui mériteraient qu'on s'y attarde: la Corse et sa sensibilité autonomiste, ainsi que la Martinique et son affichage indépendantiste. En d'autre temps, cela aurait fait la une...

Les partis politiques sont eux aussi dans l'impasse. 
Sans les accabler, l'on se rend compte qu'ils suscitent au mieux un vote timide...

Le PC devient une caricature du caméléon. Rouge au premier tour et rose pâle au second pour glaner quelques sièges par-ci, par-là, mettant sans sa pocha toutes les critiques faites quelques heures avant.

Que dire des écologistes dont l'expression cacophonique et les revirements en ont déboussolé plus d'un? Ce parti n'a plus aucun cap politique et navigue au jour le jour...

Constat d'échec aussi pour le PG, que ce soit dans un front de gauche explosé de l'intérieur ou dans la difficulté de trouver un second souffle.

Quand à la droite républicaine, elle se caractérise par un discours de plus en plus proche des idées du FN pour certains, même si quelques leaders s'en écartent, mais surtout par une acceptation du système ultra-libéral dont elle est le valet et qui la rend incapable depuis 30 ans d'apporter la moindre réponse cohérente.
Cela ne l'empêche pas, d'élections en élections, lorsqu'elle est dans l'opposition de prétendre le contraire.

Le PS battant lui des records dans l'hypocrisie. Arrivé au pouvoir en 2012, malgré ses échecs précédents lors de l'épisode Jospin et surfant sur la vague des mécontents du sarkozysme, il a encore berné ses électeurs.
Son opposition à la finance et aux logiques financières, sa volonté de combattre les diktats européens et la chancelière européenne n'ont tenu que quelques jours. Depuis, fonctionnant en affidé de ceux-là mêmes qu'ils prétendait combattre, il n'a même pas eu le cran de se porter en soutien du gouvernement grec lorsque celui-ci en cherchait.
Pas plus que la droite, le PS n'a de solutions, hormis celle de reconduire ses cadres au pouvoir quand c'est possible.
Ce système électoral lui convient bien puisqu'il ne cesse d'en partager le contrôle avec les "républicains", le deuxième tour aboutissant inexorablement à la victoire de l'un ou de l'autre.

Un seuil a été franchi le soir du premier tour des élections régionales. La stratégie du pouvoir en place consistant à éviter à tout prix l'arrivée du FN au pouvoir a abouti à tout et n'importe quoi.
Le sommet de cette mascarade s'est passé à Forcalquier lorsque le maire de la ville, tête de liste PS en Provence-Alpes-Côte d'Azur, a donné son sentiment quelques minutes après 20h sur son opposant de droite, dénonçant l’ambiguïté d'Estrosi, le maire de Nice, enclin aux alliances avec le FN depuis longtemps et dont l'esprit républicain n'est pas la première vertu.
Toute cette belle tirade pour se rétracter quelques temps plus tard, suite à l'injonction de l'autorité de son parti et appeler à voter pour celui-là même qu'il avait jeté aux orties.
Comment peut-on se dérober de cette manière, se saborder aussi? Comme si l'on espérait un retour quelconque des électeurs frontistes dont on a vu à Paris qu'il n'était pas évident avec la défaite de Bartolone.
Arriver à nous proposer Estrosi comme un modèle démocratique et républicain de la part du PS est d'un niveau jamais atteint!

Reste le FN dont le succès serait acquis si était dans un système "à l'anglaise" avec la proportionnalité intégrée immédiatement au premier tour.
Ce parti monte en puissance. Avec parfois plus de 40% des suffrages exprimés, li est arrivé largement en tête au premier tour.
Au nom de quel principe républicain leur a t-on volé cette victoire?
Cette manipulation est une honte!
Pendant combien de temps va t-on nier l'évidence et rejeter le vote de tant de millions de français?
Est-on capable d'entendre ce qu'ils nous disent, même si l'on peut craindre que la réponse du FN n'est pas la bonne?
S'il y a à combattre le FN, c'est sur le plan des idées et des actes, ce n'est pas en le privant en permanence d'une représentation qui devient de plus en plus nécessaire au regard de nos valeurs démocratiques.
Surtout que le résultat de cette manipulation maintient en place un système à deux partis dont on connaît les limites, pour ne pas dire l'incompétence.
Ne nous y trompons pas, quel que soit l'accent sincère de l'un ou l'autre (voir les accents larmoyants de Bertrand dans le Nord) le système se perpétue et aucune remise en question n'est à espérer.
Le FN arrivera un jour à gouverner des régions, ou même le pays. Quel sera son rapport au principe de réalité? La finance mondiale, le contexte européen?
A l'aune de cette épreuve, la baudruche risque de se dégonfler.
En attendant, rien ne nous autorise à priver cette formation de son droit légitime à gouverner, ou alors il faudrait que celle-ci soit déclarée hors-la-loi, ce qui n'est pas le cas.

Alors que nous vivons un chaos climatique aux conséquences désastreuses, "l'accord sans accords" de la COP21, certes une première, est loin d'être une réponse telle qu'on l'aurait voulu.
La réponse du gouvernement à la menace des attentats s'est traduite par un rallongement de l'état d'urgence et la mise à l'index de plusieurs militants privés de leurs droits fondamentaux.
La crise démocratique dont nous ne venons de parler s'inscrit donc dans un contexte tendu.

La question qui doit être abordée aujourd'hui est celle de la pertinence de rester dans le modèle qui nous est proposé.
Dans celui-ci, les élections telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui sont le problème et non la solution.

Les citoyens s'organisent et proposent des contre-modèles. Encore faudra t-il apporter une réponse en termes de rapport de force avec la dynamique des réseaux.
Le processus emmenant à une Constituante éveillera les consciences et redonnera sens à la souveraineté populaire.
Restera aussi l'affrontement aux puissances financières qui risque de ne pas se faire en douceur, même si certains pays ont montré la voie.

Les enjeux nous dépassent, mais tout nous appartient...


René Burle, Président AVEC, fin décembre 2015