LE SYNDROME DE FORCALQUIER
La
corde qui relie le peuple à sa représentation s'effiloche de plus
en plus...
Les
dernières élections ont accentué un malaise à plusieurs étages.
Le
principe électoral d'abord qui ne fait jamais état de tous ces
français qui rejettent en bloc un système dépassé et qui ne
s'inscrivent pas sur les listes électorales ou ne se ré-inscrivent
plus lorsqu'ils doivent le faire. Pas plus d'ailleurs qu'il n'est
fait mention de tous ceux qui, civiques jusqu'au bout et rejetant une
offre qui ne leur correspond plus, glissent dans l'enveloppe un
bulletin blanc ou nul.
Un
français sur deux, parmi les inscrits, qui se rend aux urnes ne
semple plus poser de problème à la représentation élue. Il suffit
de voir comment elle s'enthousiasme lorsqu'il y a un petit sursaut ,
comme lors du deuxième tour des régionales, alors qu'on pourrait se
demander quelle proportion de ces voix supplémentaires est allée
vers les suffrages non exprimés.
L'inversion
des principes démocratiques aussi pose question. Alors qu'à
l'évidence les élus ont à rendre compte au corps électoral de
leurs engagements et de leur action, nous assistons de plus en plus à
des jugements par le haut de notre attitude. Soit nous ne votons pas
assez, soit nous ne votons pas assez bien! Il n'est pas loin le temps
où, sentant le décrochage de plus en plus fort, et ne se remettant
jamais en cause, la représentation nationale nous imposera le vote
obligatoire...
La
culpabilisation du citoyen atteint des records...
L'expression
médiatique atteint des sommets dans l'aliénation le soir des
résultats et le tour de force est que les questions essentielles ne
sont jamais abordées. On pourrait aussi s'interroger sur le peu de
temps consacré aux résultats de deux régions qui ont exprimé un
vote à contre-sens et qui mériteraient qu'on s'y attarde: la Corse
et sa sensibilité autonomiste, ainsi que la Martinique et son
affichage indépendantiste. En d'autre temps, cela aurait fait la
une...
Les
partis politiques sont eux aussi dans l'impasse.
Sans
les accabler, l'on se rend compte qu'ils suscitent au mieux un vote
timide...
Le
PC devient une caricature du caméléon. Rouge au premier tour et
rose pâle au second pour glaner quelques sièges par-ci, par-là,
mettant sans sa pocha toutes les critiques faites quelques heures
avant.
Que
dire des écologistes dont l'expression cacophonique et les
revirements en ont déboussolé plus d'un? Ce parti n'a plus aucun
cap politique et navigue au jour le jour...
Constat
d'échec aussi pour le PG, que ce soit dans un front de gauche
explosé de l'intérieur ou dans la difficulté de trouver un second
souffle.
Quand
à la droite républicaine, elle se caractérise par un discours de
plus en plus proche des idées du FN pour certains, même si quelques
leaders s'en écartent, mais surtout par une acceptation du système
ultra-libéral dont elle est le valet et qui la rend incapable depuis
30 ans d'apporter la moindre réponse cohérente.
Cela
ne l'empêche pas, d'élections en élections, lorsqu'elle est dans
l'opposition de prétendre le contraire.
Le
PS battant lui des records dans l'hypocrisie. Arrivé au pouvoir en
2012, malgré ses échecs précédents lors de l'épisode Jospin et
surfant sur la vague des mécontents du sarkozysme, il a encore berné
ses électeurs.
Son
opposition à la finance et aux logiques financières, sa volonté de
combattre les diktats européens et la chancelière européenne n'ont
tenu que quelques jours. Depuis, fonctionnant en affidé de ceux-là
mêmes qu'ils prétendait combattre, il n'a même pas eu le cran de
se porter en soutien du gouvernement grec lorsque celui-ci en
cherchait.
Pas
plus que la droite, le PS n'a de solutions, hormis celle de
reconduire ses cadres au pouvoir quand c'est possible.
Ce
système électoral lui convient bien puisqu'il ne cesse d'en
partager le contrôle avec les "républicains", le deuxième
tour aboutissant inexorablement à la victoire de l'un ou de l'autre.
Un
seuil a été franchi le soir du premier tour des élections
régionales. La stratégie du pouvoir en place consistant à éviter
à tout prix l'arrivée du FN au pouvoir a abouti à tout et
n'importe quoi.
Le
sommet de cette mascarade s'est passé à Forcalquier lorsque le
maire de la ville, tête de liste PS en Provence-Alpes-Côte d'Azur,
a donné son sentiment quelques minutes après 20h sur son opposant
de droite, dénonçant l’ambiguïté d'Estrosi, le maire de Nice,
enclin aux alliances avec le FN depuis longtemps et dont l'esprit
républicain n'est pas la première vertu.
Toute
cette belle tirade pour se rétracter quelques temps plus tard, suite
à l'injonction de l'autorité de son parti et appeler à voter pour
celui-là même qu'il avait jeté aux orties.
Comment
peut-on se dérober de cette manière, se saborder aussi? Comme si
l'on espérait un retour quelconque des électeurs frontistes dont on
a vu à Paris qu'il n'était pas évident avec la défaite de
Bartolone.
Arriver
à nous proposer Estrosi comme un modèle démocratique et
républicain de la part du PS est d'un niveau jamais atteint!
Reste
le FN dont le succès serait acquis si était dans un système "à
l'anglaise" avec la proportionnalité intégrée immédiatement
au premier tour.
Ce
parti monte en puissance. Avec parfois plus de 40% des suffrages
exprimés, li est arrivé largement en tête au premier tour.
Au
nom de quel principe républicain leur a t-on volé cette victoire?
Cette
manipulation est une honte!
Pendant
combien de temps va t-on nier l'évidence et rejeter le vote de tant
de millions de français?
Est-on
capable d'entendre ce qu'ils nous disent, même si l'on peut craindre
que la réponse du FN n'est pas la bonne?
S'il
y a à combattre le FN, c'est sur le plan des idées et des actes, ce
n'est pas en le privant en permanence d'une représentation qui
devient de plus en plus nécessaire au regard de nos valeurs
démocratiques.
Surtout
que le résultat de cette manipulation maintient en place un système
à deux partis dont on connaît les limites, pour ne pas dire
l'incompétence.
Ne
nous y trompons pas, quel que soit l'accent sincère de l'un ou
l'autre (voir les accents larmoyants de Bertrand dans le Nord) le
système se perpétue et aucune remise en question n'est à espérer.
Le
FN arrivera un jour à gouverner des régions, ou même le pays. Quel
sera son rapport au principe de réalité? La finance mondiale, le
contexte européen?
A
l'aune de cette épreuve, la baudruche risque de se dégonfler.
En
attendant, rien ne nous autorise à priver cette formation de son
droit légitime à gouverner, ou alors il faudrait que celle-ci soit
déclarée hors-la-loi, ce qui n'est pas le cas.
Alors
que nous vivons un chaos climatique aux conséquences désastreuses,
"l'accord sans accords" de la COP21, certes une première,
est loin d'être une réponse telle qu'on l'aurait voulu.
La
réponse du gouvernement à la menace des attentats s'est traduite
par un rallongement de l'état d'urgence et la mise à l'index de
plusieurs militants privés de leurs droits fondamentaux.
La
crise démocratique dont nous ne venons de parler s'inscrit donc dans
un contexte tendu.
La
question qui doit être abordée aujourd'hui est celle de la
pertinence de rester dans le modèle qui nous est proposé.
Dans
celui-ci, les élections telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui
sont le problème et non la solution.
Les
citoyens s'organisent et proposent des contre-modèles. Encore faudra
t-il apporter une réponse en termes de rapport de force avec la
dynamique des réseaux.
Le
processus emmenant à une Constituante éveillera les consciences et
redonnera sens à la souveraineté populaire.
Restera
aussi l'affrontement aux puissances financières qui risque de ne pas
se faire en douceur, même si certains pays ont montré la voie.
Les
enjeux nous dépassent, mais tout nous appartient...
René
Burle, Président AVEC,
fin décembre 2015
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