Loin
du fracas des médias, quand on essaye de lire l'actualité et de
saisir les enjeux, on est frappés par la perte de repères et les
abysses qui s'ouvrent devant nous.
La
longue histoire exclusive des deux partis dominants et tour à tour
au pouvoir en France depuis des années est en passe de se terminer.
Une troisième force existe et s'est implantée. Ses racines ont
poussé sur le terreau de la déception, des promesses non tenues,
d'un quotidien difficile et qui n'évolue pas. On peut même dire
aujourd'hui que le distinguo traditionnel entre "droite" et
"gauche" s'est de plus en plus décalé entre les partis au
pouvoir et les autres. Les deux partis traditionnels qui ont les
commandes étant de plus en plus assimilés à des courroies de
transmission du système financier, quelques soient les discours des
uns ou des autres.
Cela
va plus loin. La perception d'un certain malaise encourage certains à
modifier le nom de leur parti. Comme si le changement de façade
allait permettre de changer la maison alors que les fondations
s'écroulent.
Le
calendrier électoral à répétition ne permet jamais de se poser
les bonnes questions d'une démocratie en crise. A la va-vite, avec
des manœuvres affligeantes et des calculs électoraux on a fait
évoluer un système départemental qui produit une assemblée par
binômes dont on sait qu'elle ne changera rien au fond. Entre les
deux présidentielles de 2012 et 2017, comme depuis le début des
quinquennats, on est passés par les municipales, les sénatoriales,
les européennes, les départementales et bientôt les régionales.
Très peu d'enthousiasme chez les électeurs. Au mieux la force de
l'habitude, le réflexe d'appartenir à tel ou tel camp, mais aucun
véritable espoir de changement. La perte de confiance, la désertion
des urnes aboutissent non pas à une remise en question d'un système
électoral à bout de souffle, à un changement de posture de la
classe politique, mais à une culpabilisation des citoyens et à la
menace d'un vote obligatoire. Vaille que vaille, l'on voit une
représentation politique qui ne se remet en cause sur rien et qui,
démocratie bancale ou pas, y va pour l'emporter, alors que le score
est souvent ridicule en proportion des électeurs inscrits (ne
parlons pas de tous ceux qui ne s'inscrivent plus). Mais l'emporter
pourquoi?
L'histoire
se répète d'une courbe de chômage qui augmente, de la perte
d'acquis sociaux grignotés jour après jour quelques soient les
discours qui accompagnent les mesures, d'une nature asservie et
de ressources pillées au détriment de notre équilibre et de notre
futur. Plus aucune vision, plus aucun cap.
Seuls
les médias dominants, complices et acteurs de cette mascarade,
essayent de nous y faire croire encore, en agitant les petites
histoires du microcosme. Chacun l'a bien senti aussi. Tout événement
est utilisé avec des calculs dissimulés derrière des discours.
L'idéologie
sécuritaire a pris appui sur ce qui s'est passé en France en
janvier et, y compris, les moyens financiers sont là pour l'appuyer.
L'importance accordée au fait religieux dans notre société pose
aussi question.
Les
trois religions monothéistes deviennent les points cardinaux d'une
république vacillante.
Le
désarroi s'empare des gens car les réponses n'apparaissent pas.
La
configuration politique pose question. Doit-on faire évoluer les
partis? Certainement, mais comment? La souveraineté populaire doit
s'exercer en plein. Pour cela, il faut changer les règles du jeu et
avoir une démocratie revivifiée par une Constituante.
Dans
ce champ-là, les partis tels qu'ils sont aujourd'hui accepteront-ils
ce bouleversement? Certains pensent que les partis ont vécu leur
temps. Mais par quoi les remplacer?
Comment
dans un monde interconnecté en permanence échapper aux puissances
de l'argent qui manipulent en une seconde des opérations de
plusieurs milliards d'euros d'argent virtuel?
Comment
redonner puissance et pouvoir aux représentants des peuples afin de
dégager un destin collectif autre que la dégringolade?
Le
destin de la Grèce est exemplaire. Poussé par son peuple, le
gouvernement affronte les logiques ultra-libérales portées par les
représentants européens. Jusqu'à quelle extrémité? Pour quels
résultats?
Et
du coup, quels regards porter sur cette Europe qui dénie la
souveraineté du peuple grec?
Le
traité transatlantique combattu par des forces militantes ne
rencontre aucun écho, ou presque, dans les médias. Et pourtant, son
éventuelle application serait une chape de plomb de plus sur nos
libertés.
Le
désespoir et la misère poussent beaucoup d'africains à essayer de
rejoindre nos territoires. Comment jeter les ponts d'une relation
Afrique-Europe autre que celle du pillage et d'une aide au
développement qui a failli?
L'espérance
d'un changement passe par la compréhension des enjeux et la
formulation d'un projet politique qui parle vrai et qui ne fait pas
semblant. Des états qui reprennent la main, s'appuyant sur une
démocratie digne de ce nom et en capacité de faire de vrais choix.
Difficile,
mais possible. En Islande, en Amérique latine, certains montrent la
voie. Des gouvernements appuyés par des populations osent s'opposer
à la machine dominante.
Camus
disait que quand il ne reste rien à l'homme, il lui reste le
combat...
R.
B. début mai 2015
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